Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains présente du 22 septembre au 31 décembre 2023 la 25e édition de Panorama. Grand rendez-vous annuel de l’institution, l’exposition Panorama permet de découvrir, chaque année, plus de 50 œuvres inédites, dans les domaines de l’image, du son et de la création numérique, réalisées par les artistes du Fresnoy.
« Plus qu’allégoriques, ces productions artistiques transcendent la séparation entre la nature et la culture à l’œuvre dans nos sociétés occidentales. Des courts métrages narratifs aux jeux vidéo, des films expérimentaux aux documentaires, de l’écran de cinéma à la tablette d’ordinateur, et de la projection extra-large aux vignettes. » - Chris Dercon.
« Le mot “musée” semble toujours associé à la lumière du jour, tout comme on s’attend toujours à une salle obscure dans un cinéma. Toutefois, dès sa création, le musée a visé l’universel – et un tel espace se doit de répondre à la fois aux exigences du jour et de la nuit. Ainsi devrait-il aussi y avoir des salles obscures dans les musées. Peut-être devrait-on scinder les musées en ailes solaires et lunaires. » - Jeff Wall.
A-t-on récemment visité un musée, une galerie d’art ou une exposition d’art contemporain dans lesquels il n’y avait pas au moins une salle obscure ? Bon nombre d’institutions artistiques ont démontré que l’espace d’exposition pouvait être libéré de l’illusion d’un monde statique, notamment en intégrant des équipements dans leurs collections, tels que de grandes boîtes de lumière, des projecteurs de diapositives qui s’allument et s’éteignent en fondu, des projections de films joués en boucle, des appareils vidéo de haute technologie, des ordinateurs et des appareils mobiles connectés à Internet, qui apparentent ces présentations à des jeux vidéo.
Le théoricien du cinéma Edwin Carels nous rappelle sans cesse que la question d’André Bazin : « Qu’est-ce que le cinéma ? » est moins pertinente que : « Où est le cinéma ? ». La réponse est : partout, et naturellement, dans les musées d’art aussi. Cette année, au Fresnoy, j’ai été frappé par de nombreux films et installations qui revitalisent des choses et des idées qui souvent ne survivent pas dans notre esprit : contextes familiaux et amicaux, histoires locales et communautés oubliées. Même lorsque les préoccupations exclusives des protagonistes-auteurs de ces films ne dépeignent pas de toile de fond plus large, ils nous causent malgré tout divers traumatismes et outrages qui prennent soudain sens si nous pensons aux responsabilités personnelles que le projet exprime. En revanche, d’autres productions cherchent à nous faire entendre qu’il est possible, comme l’a dit Bruno Latour, de défendre la démocratie par l’écologie et de mélanger les affects politiques aux affects écologiques, comme le font l’écologie décolonisatrice ou le Plantationocène. En cela, je songe aux préoccupations documentaristes des images sensuelles photographiques et cinématographiques des « water bodies » de Jean Painlevé.
Ces productions redéfinissent les approches aux oppositions binaires traditionnelles comme celle de l’humain et du non-humain, qu’il soit naturel ou digital, à la manière de l’hydroféminisme ou du glitch feminism. On retrouve dans ces œuvres et le statut qu’elles prennent une indigénéité qui se distingue de la logique capitaliste, comme une forme d’hétérotopie différenciée. Après tout, n’était-ce pas Jean-Louis Comolli qui nous disait que le cinéma comme utopie est le foyer d’un monde meilleur ? Afin de véritablement transmettre l’héritage du cinéma au futur, nous devons continuer à accepter sa constitution génétique impure, et c’est précisément ce dont nous avons été témoins au cours des vingt-quatre derniers Panoramas, depuis leur première édition à l’instigation de Dominique Païni en 1997.
L’introduction du premier Panorama par Alain Fleischer est toujours d’actualité : « La proposition que Païni formula aussitôt était d’une évidente justesse. On constate aujourd’hui à quel point elle rassemble de façon exemplaire les enjeux qui sont au cœur du projet du Fresnoy : des œuvres émancipées des classifications traditionnelles interrogent le sort de ces images voyageuses, fugitives, évanescentes, immatérielles que sont les projections cinématographiques, photographiques et vidéographiques, circulant non seulement dans des espaces et vers des surfaces pervertis, mais d’un langage à un autre. ».
La vingt-cinquième édition de Panorama ne déroge pas à la règle. Les types de cinéma et leurs diffusions en expositions des plus variés sont présents, et visiblement, ils ont pris leurs quartiers.