Du 29 septembre au 18 novembre 2023, Clavé Fine Art consacre une exposition personnelle à l’artiste Pauline Guerrier. Résidente à POUSH, lieu d’artistes pour la création et l’exposition situé à Aubervilliers, Pauline Guerrier oriente son travail autour des savoir-faire traditionnels et techniques ancestrales. La broderie, la marqueterie de paille, la tapisserie ou encore le verre soufflé sont autant de matières et de gestes que de moyens privilégiés pour l’artiste de transmettre ses émotions. Sous le commissariat d’Anne-Laure Peressin, AD MIRE II fait écho à l’exposition AD MIRE que le public portugais a pu découvrir au printemps dernier à la galerie Foco à Lisbonne. Le second volet, présenté chez Clavé Fine Art, est complété d’une sélection d’œuvres inédites, réalisées spécifiquement pour l’occasion.
Pauline Guerrier puise son inspiration dans l’histoire de l’humanité, dans les savoir-faire ancestraux transmis de génération en génération tout comme dans les récits mythologiques. L’Italie, le Maghreb, le Portugal, le Chili, le Sénégal... tous les voyages de l’artiste sont une nouvelle occasion d’interroger les rapports entre héritage, culture, croyance, mémoire, et intimité. Ainsi, la mythologie, chargée de motifs et de symboles qui personnifient l’émoi, est l’une des sources de réflexion de l’artiste pour construire l’exposition. Pauline Guerrier se focalise surtout sur les métamorphoses, une façon d’interroger la manière dont les émotions affectent et transforment les corps. Chez l’artiste, chaque mutation débute par le tracé d’un fil sur le papier avant de tisser la matière. Avec ses crayons et ses aquarelles, elle pense la laine, le coton, la couleur qui se retrouveront dans ses œuvres. Ces matières, qui ont été glanées sur tous les continents, sont réunies dans les mains de l’artiste, qui ensuite teinte les textiles et les déchire en bandes larges. Elle file les fibres végétales puis les mets en pelotes ou en piles, « elle défait, débâtit, décoiffe, délie puis façonne, édifie, forme, fusionne, rassemble et relie » (Anne-Laure Peressin).
L’art est pour Pauline Guerrier une façon d’exprimer l’anatomie des émotions. Les couleurs et les matériaux qu’elle emploie lui évoquent des expressions telles qu’avoir « un nœud dans la gorge » ou « le souffle coupé ». Cette palette émotionnelle du corps se retrouve dans l’œuvre de l’artiste, comme dans ses tableaux Corde Vocaliq ui traduisent des schémas anatomiques du larynx et des cordes vocales. Parmi les métamorphoses du corps qui surviennent lors d’un événement émotionnel intense, le syndrome du cœur brisé occupe une place singulière dans l’œuvre de Pauline Guerrier. Ses Tako Tsubo évoquent ainsi le terme japonais qui désigne la déformation cardiaque provoquée lors d’un chagrin d’amour et la perte d’un être cher. La douleur ressentie est si puissante qu’elle modifie la forme du cœur en une silhouette qui s’apparente à celle d’une amphore de pêche japonaise, un piège à poulpe nommé tako tsubo.
Comme le souligne Anne-Laure Peressin, commissaire de l’exposition, « AD MIRE interroge des formes qui sont rendues visibles par Pauline Guerrier pour convoquer de nouvelles façons de les voir pour les recevoir, de les percevoir pour s’en émouvoir. Le titre de l’exposition suggère cette autre dimension visuelle mouvante : mirer quelque chose ou quelqu’un, signifie regarder attentivement, avoir en vue quelque chose, refléter et se refléter dans un miroir, par exemple. La préposition latine ad-peut se traduire comme « jusqu’à » pour marquer une indication de distance, une limite et une approximation temporelle. Dès lors, AD MIRE peut se lire comme une invitation à voir et, parallèlement, s’entendre comme le fait d’admirer, c’est-à-dire de considérer quelque chose et d’avoir de l’égard pour quelqu’un avec un sentiment d’étonnement. »