L’américain dévoile du 8 novembre au 23 décembre à Paris, « Eveningside », sa dernière série en noir et blanc, réalisée entre 2020 et 2022. Dernier volet d’une trilogie développée depuis 2012, cet ensemble de vingt photographies panoramiques frappe par sa netteté troublante et ses ambiances crépusculaires.
Pionnier de la « photographie de mise en scène », Gregory Crewdson développe depuis trente ans un langage photographique unique, où chaque prise de vue est le résultat d’un long travail de production en amont, avec story board, acteurs, construction de décors, plateau technique, effets spéciaux et système d’éclairage sophistiqué.
Avec l’exposition « Eveningside », montrée cet été dans le cadre d’une rétrospective aux Rencontres de la Photographie d’Arles, Gregory Crewdson pousse encore plus loin la frontière entre réalité et fiction. Il invente des paysages suburbains ambigus, où l’immobilité des personnages, figés dans leurs activités quotidiennes les plus banales, est à la fois fascinante et inquiétante. Portrait fictif d’une Amérique entre deux âges, ces scènes campent des figures solitaires, souvent saisies à travers le jeu complexe de miroirs, de devantures de magasins, ou de lieux de passage : ponts, porches, superette ou quincaillerie. Jouant avec virtuosité avec un ensemble d’effets spéciaux – brouillard, fumée, projecteurs, pluie – sa palette en noir et blanc décline des atmosphères à la fois sombres et gothiques, évoquant aussi bien le cinéma classique, que le film noir ou la peinture réaliste d’un Edward Hopper.
Son œuvre oscille entre le poétique et le politique, entre une vulnérabilité de la condition humaine et les paradoxes du rêve américain. La complexité des nuances monochromatiques, leur étrange beauté, agit comme une formidable métaphore des limites insoutenables de de notre monde hyperconnecté, digital et aveuglé. Jamais didactique, Crewdson laisse au spectateur toute liberté pour imaginer les histoires cachées sous la surface et rêver d’autres possibles.