Tenant son titre d’une nouvelle de Borges, l'exposition « Aux sentiers qui bifurquent », dont le commissariat a été confié à Raphaël Brunel, curateur en résidence au sein au sein du bureau des penseurs de POUSH, réunit une quarantaine de jeunes artistes et designers saisis au moment précis où, venant d’être diplômés, ils et elles sont à la fois riches de leur parcours à l’École des arts décoratifs et de leurs « innombrables futurs ». L'exposition sera ouverte au public du 15 au 17 décembre 2023, puis du 5 au 7 janvier 2024.
« Comme dans la nouvelle de Borges, c’est à la coexistence de tous ces temps que nous souhaitons donner accès, à la sortie d’une école qui, riche de ses multiples secteurs, ateliers et méridiens, mise plus que toute autre sur les bifurcations, les croisements et la transdisciplinarité : entre l’ancien et le nouveau, l’art et le design, l’individu et le collectif, la théorie, la pratique et la technique. Quant aux « innombrables futurs » qui sont ici rassemblés, ce ne sont pas seulement ceux des artistes et des designers exposé·es. Si l’on veut bien avoir à l’esprit la vocation des arts décoratifs à configurer nos milieux de vie, dans leur dimension à la fois réelle et imaginaire, visuelle et matérielle, analogique et digitale, naturelle et artificielle, on comprendra que c’est aussi de nos futurs qu’il s’agit – et donc aussi des vôtres. »
Emmanuel Tibloux, Directeur de l’École des Arts Décoratifs - Paris
« S'engager sur les sentiers qui bifurquent n'est pas une mince affaire. Elle implique un choix parfois douloureux ou contraint qui n'a que peu à voir avec la légitimité. Ce serait plutôt le contraire : se mêler de ce qui ne nous regarde pas, être où on ne nous attend pas, se déplacer sans cesse, furtivement, et le refaire encore. Sonder le présent et le quotidien, mener l’enquête, collecter, réemployer, désinvisibiliser. Tracer des perspectives à explorer, des lignes de désirs, de sens et de vocabulaires nouveaux. De doutes peut-être avant tout. Dans ce réseau arborescent et versatile où les pistes convergent et divergent à l'infini, tous les futurs possibles coexistent. La bifurcation se présente ainsi comme un outil d'orientation (de désorientation ?) dans le trouble qui s'annonce autant que l'expression de celui des corps, des psychés, de l'ordre social et politique, des imaginaires économiques et de nos écosystèmes. Cette géographie complexe, dans laquelle les enjeux individuels et collectifs sont en renégociation permanente, est celle de l’intersection. Elle cumule les échelles et les espaces-temps, de l’intime et du public, de la chambre et des flux de migration, du culturel et du naturel, de l'urbain et du rural, du souterrain et de l'aérien. Elle imbrique les zones de passage et de communication, de construction et de mise en scène de soi et du monde, d’obsession et d’émancipation, d’euphorie et de mélancolie. Elle révèle une puissance d'agir. Bien loin du chaos annoncé, elle tisse les fils d'une plasticité où les identités, les affects, les gestes, les territoires, les mémoires, les objets et les images ne cessent de se reconfigurer, s'hybrider, se contaminer et s'altérer. S’engager sur les sentiers qui bifurquent, c’est participer à l’élaboration d’une géographie commune d’où émerge et s’exprime une pluralité de voix, de visions et de gestes singuliers. »
Raphaël Brunel, Commissaire de l’exposition