Pour la prochaine édition d’Art Paris, du 4 au 7 avril 2024 au Grand Palais Éphémère, la Galerie XII présentera un solo show de l'artiste Sophie Zénon. C’est sous un titre énigmatique, L'herbe aux yeux bleus, quatrième volet de son cycle Rémanences, que l’artiste présente son dernier opus autour des plantes dites obsidionales, ces végétaux allogènes introduits par les armées étrangères pendant les périodes de conflits (guerres napoléoniennes, de 1870 et deux guerres mondiales), dessinant en creux les influences réciproques entre migrations humaines et végétales.
À travers un dispositif scénique invitant à entrer physiquement dans le paysage, Sophie Zénon propose un parcours autour de la renaissance et de la réparation. Fidèle à sa démarche accordant une place importante à l’expérimentation et la transversalité des pratiques, l’artiste présente, en dialogue, un ensemble d’œuvres organiques, sublimées par le geste. Dans une approche multifocale voisinent ainsi des estampages sur papier d’écorces d’arbres - tissés, sculptés, modelés en de délicates silhouettes fantomatiques - de spectaculaires photogrammes de plantes, des photographies d’arbres meurtris tirées au charbon, de miroitants orotones de fleurs fragiles, des paysages mouvants sur voiles semi-transparents, des livres d'artiste aux techniques mixtes, comme une documentation sensible d’archives. Du macrocosme au microcosme, le visiteur est plongé au cœur du végétal qui, par le jeu des échelles, devient carte topographique, peau animale, univers minéral.
La mémoire des paysages constitue une thématique centrale et un fil conducteur du cycle Rémanences. Dans Verdun, ses ruines glorieuses (2013), L’Homme-Paysage (Alexandre) (2015), Pour vivre ici (2017) ou encore Frondaisons (2019), le végétal dans ses différentes expressions (la forêt, les arbres, les plantes, les fleurs) y est tour à tour supplicié, marqueur de l’histoire et de ses traces, fragile mais toujours nourricier et renaissant. Dans la continuité de ces recherches, L’herbe aux yeux bleus invite à un voyage dans les échelles croisées des temporalités et des espaces, envisageant le paysage comme un lieu d’expérience et de vie, en déployant plus particulièrement des formes d’attention en prise directe avec le vivant. Au travers du végétal, ce sont les lois immuables et éternelles d’une nature résistante que l’artiste donne à voir. Traces, signes, ces plantes symbolisent une humanité debout qui reconquiert sa place après le tragique de l’Histoire.