« Du 30 mai au 27 juillet 2024, la galerie Ceysson & Bénétière présente une exposition personnelle de l'artiste Bernard Pagès, à Lyon. Bernard Pagès fait. Irrésistiblement. Il construit et il conçoit. Sans cesse. Chaque jour que Dieu fait, le sculpteur fait. Sans relâche. Été comme hiver, dimanche comme lundi, jour comme nuit, il fait, il va vers son travail, son labeur, son hangar, son devoir. Ce n’est pas une position, encore moins une posture, c’est une nature : faire, défaire, refaire, parfaire, faire et faire encore. Faire : Bernard Pagès ne sait que faire d’autre. Rien d’autre à faire que faire, que faire son œuvre, que tracer sa route, que rouler son rocher comme d’autres roulent leur bosse. Sisyphe, sans doute. Prométhée, sans contredit.
Ce n’est pas simple de faire, de faire sans préambule, de faire sans apprêt, de faire comme fait Bernard Pagès, avec entrain et avec allant, comme si cela, précisément, allait de soi. Son corps en porte la trace. Son corps (je pourrais dire sa conformation) est en mouvement, est un mouvement. Mouvement vers – l’atelier, le rocher, l’outil, la parole, l’autre. Tout en lui fait. Tout : ses mains, ses jambes, son bonnet, ses coudes, son accent. J’y vois une envie folle d’en découdre – avec le temps, avec le monde, avec la compacité de la matière, avec la charge du désir, avec lui-même, avec ce qui reste à faire, avec ce qui pourrait être fait, avec ce qui eût été fait si, avec ce qui est sur le point d’être fait. Le centre de gravité de son corps, pareil à celui des fleurs héliotropes inclinées vers l’astre nu, est légèrement décentré. Bernard Pagès, semblable à certains de ses « dévers », penche vers ce qui est à venir et à faire, et qui n’a rien à voir avec l’avenir et l’affaire, avec l’anticipation et l’affairement.
Faire, faire vraiment, je veux dire sans tergiversation, suppose une nécessité. On ne fait pas pour faire. On fait, car on ne peut pas faire autrement. D’aucuns diront que Bernard Pagès passe à l’action, je crois que, manches relevées au milieu des copeaux et des boulons, il passe à l’acte. »
Colin Lemoine, extrait de Bernard Pagès, Homo Faber, 2020.