Depuis plus quarante ans, Pierre et Gilles réalisent des portraits oniriques à la frontière entre peinture et photographie. Avec leur nouvelle exposition Nuit électrique du 3 septembre au 19 octobre 2924 à la Galerie Templon (rue du Grenier-Saint-Lazare, Paris), le duo assume sa longévité, sa place de portraitiste de l’époque et de pionnier des questions LGBTQI+. Pourtant c’est toujours quand on croit les connaître par cœur que Pierre et Gilles surprennent. Avec leurs nouveaux tableaux, créés au cours de ces deux dernières années, les artistes s’amusent de leur statut d’icônes pour dresser une galerie de portraits nocturnes et décalés.
Le couple formé par Pierre le photographe et Gilles le peintre a mis en place depuis 1976 un langage unique mêlant références à la culture populaire et à l’histoire de l’art, à la fois merveilleux et subversif, insolite et engagé. Hantée par la lumière artificielle des néons, leur nouvelle série, inédite, possède la lumière des bas-fonds et des paradis artificiels. Nostalgie euphorique des années Palace, la boîte mythique à laquelle ils sont si souvent associés, ou regard désabusé sur un monde où toutes les luttes sont peut-être gagnées ? Pierre et Gilles mettent en scène quelques-uns de leurs personnages favoris - le marin, l’ange, le voyou, le poulbot. Ils sont placés dans des espaces indéfinis, interlopes, entre le club, la fête foraine ou le cabaret. Leurs modèles, tantôt dénudés ou tatoués, couples amoureux ou solitaires désabusés, forment une foule aguicheuse, joyeuse, vaguement inquiétante. Au milieu de cette jeunesse gay, trans, métissée, Pierre et Gilles présentent deux autoportraits. L’un empreint d’une grave mélancolie les présente séparés. L’autre les campe en retraités guillerets, dans un décor de carte postale désuée. En jouant sur l’ambiguïté des registres, Pierre et Gilles embrassent avec humour leur univers « camp ». En creux, ils dessinent un monde trouble, oscillant entre optimisme et désillusion.
En contrepoint, Pierre et Gilles dévoilent deux portraits de leurs muses de longue date : Amanda Lear, en actrice de théâtre de boulevard, et Isabelle Huppert, en majestueuse Mary Stuart. Les deux éclairent par contraste l’originalité du nouveau travail sur la lumière de Pierre et Gilles. Le traitement de l’éclairage artificiel, cru, qui jamais ne décline, mais transfigure les êtres, est un des aspects les plus radicaux de leur pratique récente. Il peut être lu comme une puissante métaphore de la résistance au passage du temps qui nivelle tout, les existences et les combats. Quelle bienveillance la communauté LGBTQI+ a-t-elle réussi à gagner après plus d’un demi-siècle d’avancées sociétales ? Quelle place et quelle considération pour les marginaux d’aujourd’hui