02/11  31/01/25
Mircea Cantor
« L'école des mondes »

École Jean-Prouvé, Vantoux, Galerie Nathan Chiche

Mircea Cantor, The World Belongs to Those Who Set It On Fire, 2016, fumée de bougie sur papier, 196 x 284 cm  © Tous droits réservés
Mircea Cantor, The World Belongs to Those Who Set It On Fire, 2016, fumée de bougie sur papier, 196 x 284 cm © Tous droits réservés

Du 2 novembre 2024 au 31 janvier 2025, la Galerie Nathan Chiche, installée à l’École Jean Prouvé de Vantoux, présente « L’école des mondes », une exposition consacrée aux œuvres de l’artiste Mircea Cantor. Certaines rencontres, bien que non prédestinées, parviennent à transcender le temps et l’espace, inscrivant ainsi un dialogue silencieux, mais vibrant entre deux esprits. L’exposition de Mircea Cantor incarne cette osmose. Jean Prouvé, génie avant-gardiste de l’architecture moderne et Mircea Cantor, artiste contemporain auréolé du prix Marcel Duchamp, se rejoignent ici dans une conversation intangible et puissante sur l’incertitude et la fragilité de notre monde.

Dans la salle de classe de cette institution dédiée à l’innovation et à la pensée critique, les cartes du monde brûlé de Cantor frappent par leur résonance viscérale. Ces cartes, à la fois reconnaissables et profondément altérées, évoquent celles suspendues dans les salles de classe du monde entier, y compris celle de l’École Jean Prouvé. Pourtant, ces versions sont marquées par les stigmates de la destruction et de l’éphémère, soulignant l’instabilité intrinsèque des frontières géopolitiques.

Les cartes brûlées de Cantor The World Belongs to Those Who Set It on Fire suscitent une nostalgie pour une époque révolue, lorsque les cartes géographiques étaient perçues non seulement comme des outils d’apprentissage, mais aussi comme des vecteurs d’exploration et d’évasion. Elles invitent le visiteur à contempler non seulement les lignes arbitraires des frontières, mais aussi les histoires, les cultures, et les humanités qui transcendent ces délimitations. Les brûlures, quant à elles, symbolisent les pensées et la créativité humaines qui ont façonné notre monde, tel que la force de l’imagination et du génie humain façonnant les contours de notre monde. Toutefois, elles évoquent également les conflits, les bouleversements et les métamorphoses qui ont remodelé ces frontières, rappelant ainsi la nature volatile et imprévisible de l’histoire.

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Mircea Cantor, dans son travail, s’attache à décrypter le concept universel et intemporel du vol, omniprésent dans son œuvre et traversant aussi bien l’histoire de l’aviation que celle des mythes et des arts. Cantor exprime cette fascination en ces termes : « Géographie subjective non linéaire du vol. Le vol ! – que j’ai découvert dans mon enfance dans le conte sur l’oiseau Maïastra, cet oiseau magique qui a inspiré Brâncuși pour ses audacieuses sculptures. Ensuite, le vol m’a hanté à travers les figures d’Aurel Vlaicu et Trajan Vuia – pionniers de l’aviation, contemporains des frères Wright et de Blériot. Et bien sûr Henri Coandă – avec son moteur à réaction – sans lequel nos avions ne voleraient pas aujourd’hui ! Ensuite, ce vol figé de toutes ces créatures aux couleurs d’un autre monde, qui peuplent les fresques des monastères du nord de la Roumanie, en Bucovine : ces anges, ces séraphins à six ailes, ces chérubins couverts d’yeux hiératiques. En somme, pour arriver à définir une certaine idée du désir de voler, du vol de l’âme, de la liberté. »

Cette exposition, conçue pour résonner avec l’esprit visionnaire d’après-guerre de Jean Prouvé, constitue une véritable invitation à la réflexion et à la contemplation. Les œuvres de Cantor, dans ce contexte unique, prennent une dimension nouvelle, dialoguant avec les structures et les formes de l’école, créant une expérience immersive et enchanteresse.

Nathan Chicheportiche